Solscope Mag informe les géotechniciens sur l'Amiante Environnemental
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Tags: Sécurité Donneurs d'ordre Prévention Réglementation NF P94-001 Repérage Amiante SS4
Dans un article à l’intention des géotechniciens, Brice SEVIN (Directeur Technique et Scientifique de Bureau GDA) explique la méthodologie de la norme P94-001 et l’intérêt stratégique pour les donneurs d’ordre de repérer l’amiante environnemental au plus tôt.
L’article résumé en quelques mots
L’article “in extenso”
L’article résumé en quelques mots :
Le texte aborde la question du repérage de l’amiante environnemental avant travaux, soulignant les risques pour la santé des travailleurs du bâtiment et de la construction.
L’amiante, présent dans certains sols et roches, est considéré comme un problème de santé publique. La méthodologie de repérage, définie par la norme NF P 94-001, vise à informer les donneurs d’ordre et les entreprisesdes risques et à prendre des mesures de protection adéquates.
Divers affleurements rocheux, notamment en Corse, en Nouvelle-Calédonie, dans les Alpes, au sein du Massif Central, du Massif armoricain et de la chaîne des Pyrénées, posent des risques sanitaires lors d’aménagements.
Les risques d’exposition sont liés à la libération de fibres d’amiante dans l’air lors d’activités telles que le terrassement et le forage, et peuvent entraîner des maladies graves, notamment le cancer du poumon et de la plèvre.
La réglementation française vise à protéger les travailleurs contre les risques liés à l’amiante.
Les entreprises de travaux et les propriétaires de terrains doivent effectuer un repérage avant travaux pour détecter la présence d’amiante environnemental dans la zone concernée.
Le repérage avant travaux se déroule en plusieurs étapes, de la vérification documentaire à la réalisation d’analyses en laboratoire, en passant par des visites de terrain par un géologue, voire plus rarement par la réalisation de forages, pour confirmer la présence d’amiante.
Les géologues réalisant les repérages doivent posséder des compétences spécifiques et suivre une formation sur la prévention des risques liés à l’amiante.
Les implications pour la géotechnique sont importantes, car les travaux de terrassement et de construction commencent généralement par une reconnaissance des sols, ils sont donc les premiers intervenants. Les entreprises de travaux doivent évaluer les risques et mettre en place des mesures de protection appropriées, ce qui peut entraîner des coûts et des délais supplémentaires.
En conclusion, le repérage de l’amiante environnemental avant travaux est crucial pour protéger la santé des travailleurs. Les géotechniciens en tant que premiers intervenants et les géologues réalisant les repérages jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre de mesures de sécurité efficaces.
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L’article “in extenso” :
En page 71 du numéro d’avril 2024
ou bien ci-dessous :
Le repérage avant travaux de l’amiante environnemental
La présence d’amiante environnemental dans certains sols ou certaines roches entraine un risque pour la santé des personnels de chantier liés aux activités de terrassements et de forage. Le repérage avant-travaux de l’amiante naturel représente un enjeu de santé publique et de santé au travail, ainsi qu’un enjeu économique et un défi technologique.
La méthodologie de repérage, détaillée dans la norme NF P 94-001 de novembre 2021, vise à informer le donneur d’ordre en charge de l’analyse de l’impact de la présence d’amiante sur la gestion de travaux futurs, et à adopter les mesures de protection des travailleurs.
Un arrêté d’application de la norme doit voir le jour courant 2024.
Qu’est-ce que l’amiante environnemental ?
Le mot “amiante, anciennement asbeste, est un terme utilisé à des fins industrielles voire commerciales pour décrire des minéraux présentant une texture fibreuse. Cette substance minérale englobe six catégories d’amiante, présentant des propriétés physiques et chimiques exceptionnelles (incombustible, ininflammable, isolant, léger, hydrique, etc.).
En France, la présence d’amiante dans l’environnement naturel concerne donc principalement les domaines orogéniques anciens et actuels. Les gisements d’amiante (fibrogenèse) se forment plus spécifiquement dans des contextes tectoniques cassants tels que les failles ou les cisaillements, avec la formation des faciès asbestiformes résultant du métamorphisme (roches ultrabasiques serpentinisées et schistes verts).
Les péridotites, des roches ultrabasiques du manteau supérieur, constituent la majeure partie des gisements d’amiante, notamment dans les Alpes, en Corse et en Nouvelle-Calédonie. Les différentes étapes de cristallisation des serpentines et des amphiboles fibreuses servent de marqueurs précieux pour divers événements géodynamiques et ont par le passé étudié par les géologues à but de chronologie.
Le chrysotile, la forme minérale la plus courante et historiquement exploitée, appartient à la famille des serpentines, dérivées des minéraux primaires des péridotites métamorphisées. Les amphiboles fibreuses les plus répandues comprennent l’actinolite-amiante, l’amosite, l’antophyllite, la crocidolite et enfin la trémolite-amiante.
Quels sont les risques liés à l’amiante environnemental ?
Le risque d’exposition à l’amiante est lié à la libération de fibres dans l’air par action mécanique lors de processus naturels (érosion) ou de travaux d’aménagement et de construction (terrassement, forage, minage). Les risques étant liés à l’inhalation des fibres d’amiante, tous les intervenants (conducteurs d’engins, foreurs) sur un terrain amiantifère sont exposés, y compris les populations environnantes du site concerné.
Toutes les variétés d’amiante sont classées comme agent chimique cancérogène et ne possèdent pas de seuil de concentration en dessous duquel elles ne présentent aucun danger. Les fibres microscopiques d’amiante inhalées pénètrent profondément au sein du système pulmonaire et interagissent avec ses cellules entrainant le développement de maladies graves comme la fibrose (asbestose) ou des cancers broncho-pulmonaires et de la plèvre (mésothéliome). Les effets peuvent se manifester plusieurs années après le début de l’exposition.
Que dit la réglementation et qui est concerné ?
La réglementation en France vise à assurer la protection des travailleurs, des populations et de l’environnement contre les risques associés à l’amiante. Selon le Code de la santé publique aucune disposition particulière concernant l’amiante environnemental n’est établie mais il stipule au sens large de s’assurer que la concentration en fibres dans l’air soit inférieure à 5 fibres/litre.
Outre l’obligation de sécurité et de santé qui incombe de manière générale à un employeur (e.g. entreprises de forage) selon le Code du travail, il appartient au donneur d’ordre, maître d’ouvrage ou propriétaire d’immeubles par nature ou par destination, d’établir ou non la présence d’amiante environnemental dans le périmètre des travaux qu’il envisage. Ainsi, toutes entreprises de travaux, particuliers, collectivités, ou leurs représentants, doivent pouvoir justifier d’un RAT avant le commencement des travaux sur un terrain.
Quelles sont les limites du repérage avant-travaux ?
Le RAT s’applique aux terrains n’ayant subi aucune action anthropique et est fondé sur la recherche d’objets géologiques susceptibles de contenir de l’amiante environnemental.
Sont exclus de l’application de la norme les matériaux de dragage de fleuves, rivières et en mer, les sols remaniés et remblais, et les renouvellements (sans extension) d’arrêté d’autorisation d’exploitation pour les carrières ainsi que leur exploitation courante.
Par ailleurs, compte-tenu des contextes gîtologiques de l’amiante, les terrains situés dans certains bassins sédimentaires (e.g. Bassin Parisien) sont dispensés de repérage, sauf exceptions liées aux dépôts sédimentaires de type alluvions, colluvions ou dépôts glaciaires susceptibles de contenir des éléments dont la source est identifiée comme amiantifère.
Qui peut réaliser un repérage avant-travaux ?
L’identification des objets géologiques contenant de l’amiante environnemental requiert de solides connaissances des roches et des sols, et des processus de fibrogénèse. L’opérateur, certifié « géologue opérateur de repérage » (lorsque la formation sera déployée), justifie de compétences spécifiques (géologie, minéralogie, pétrographie, processus hydrothermaux) et de l’expérience de terrain (cartographie).
De plus, le Code du travail impose au géologue opérateur une formation à la prévention des risques liés à l’amiante (formation « sous-section 4 » dite SS4) et fixe les modalités de respect des modes opératoires mis en œuvre pour sa mission (notice de poste, valeur limite d’exposition professionnelle, équipements, gestion des déchets,…). L’opérateur doit également posséder une assurance spécifique à ce type d’activité.
Comment se déroule un repérage ?
Par analogie aux missions géotechniques définies par la norme NF P 94-500 de novembre 2013, les missions de repérages respectent un principe de progressivité A0, A1, A2, auxquelles s’ajoutent des missions de suivi à l’avancement des travaux (A3 et A4).
La mission A0 a pour objectif de vérifier la présence ou l’absence de roches susceptibles de contenir de l’amiante environnemental dans la zone des futurs travaux à partir de l’analyse de documents (cartes géologiques, rapports d’étude), de la réalisation d’une synthèse de l’histoire géologique régionale et locale, et d’une coupe géologique, de façon à déterminer la lithologie des terrains et leur susceptibilité amiantifère au sens de la norme.
La mission A0 doit conclure à l’absence, à la présence ou à la suspicion de présence d’objets géologiques contenant de l’amiante. Dans ce dernier cas, l’opérateur informe le donneur d’ordre qui doit le mandater pour la réalisation d’une mission A1.
La mission A1 a pour but de rechercher et d’identifier, au cours d’une campagne de terrain, les objets géologiques qui constituent la zone de repérage afin de déterminer leur structure et agencement dans le périmètre des futurs travaux. L’opérateur identifie les objets susceptibles de contenir de l’amiante (minéraux précurseurs, etc.) et détermine leurs caractéristiques (dimension, orientation, etc.). Le repérage nécessite à ce stade une inspection visuelle à l’affleurement (accompagné si besoin de sondages, prélèvements, lames minces, etc.), et une investigation approfondie in situ et/ou en laboratoire des objets non accessibles à l’affleurement par des sondages ou investigations géophysiques.
Si la mission A1 n’a pas pu conclure à l’absence d’amiante environnemental, il convient de lever le doute lors d’une mission A2.
La mission A2 a pour but de déterminer, pour chaque objet géologique susceptible de contenir de l’amiante, ses caractéristiques géologiques et minéralogiques précises, et de conclure sur la présence ou non d’amiante. Le repérage des objets géologiques nécessite un maillage d’investigation plus resserré et des analyses en laboratoire accrédité (COFRAC) pour la recherche d’amiante environnemental.
Il peut exister un doute résiduel lorsque les éléments décrits ne permettent pas de lever le doute sur la présence d’amiante dans un faciès susceptible d’en contenir mais dont les dimensions ne sont pas compatibles avec une mise en évidence par sondages ponctuels. L’objet géologique concerné doit être clairement défini afin que l’opérateur préconise des investigations complémentaires à l’avancement des travaux (missions A3 et A4).
Quelles implications pour la géotechnique ?
Tous les projets de terrassement et construction sur un terrain débutent par la réalisation d’une reconnaissance des sols. Ainsi, les personnels de terrain réalisant les investigations géotechniques sont la plupart du temps primo intervenants. A la commande d’une étude de sol préalable de type G1 ou de conception G2, le donneur d’ordre doit fournir au bureau géotechnique un RAT du périmètre de la zone de travaux avant la réalisation des sondages et essais. Le bureau géotechnique doit être devoir de conseil auprès du donneur d’ordre.
Dans le cas de présence avéré d’amiante environnemental dans la zone de travaux, l’entreprise de travaux a la charge d’évaluer le niveau d’empoussièrement sur son chantier (si l’empoussièrement est faible, le chantier peut continuer en adaptant les EPI). Il appartient à l’entreprise de travaux d’analyser les risques, de planifier les moyens humains et matériel, les modes opératoires en SS4, les moyens de décontamination, la gestion des déchets, le plan de retrait ou d’encapsulage des zones amiantées,… (cf. guide INRS des travaux en terrain amiantifère, ED 6142).
Le coût des travaux et les délais peuvent être alors fortement rallongés. Néanmoins, rien n’empêche la construction en terrain amiantifère à condition de respecter la réglementation concernant la protection des travailleurs et des avoisinants.
Conclusion
Le repérage avant-travaux de l’amiante environnemental représente un enjeu majeur pour la protection des personnels de chantier, spécifiquement en géotechnique, comme primo intervenant sur le terrain.
L’enjeu sanitaire important de l’exposition des travailleurs à l’amiante naturel oblige les donneurs d’ordres à faire appel à des géologues avec un haut niveau d’expertise pour l’identification des objets géologiques contenant de l’amiante naturel.
Au niveau local, les bureaux d’études géotechniques constituent par ailleurs des relais privilégiés pour l’information auprès des maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre et des collectivités sur cette problématique de l’amiante environnemental.
Co-auteurs :
Sébastien Leibrandt, géologue (Dr.), directeur technique de Tudsols
Brice Sevin, géologue (Dr.), directeur technique et co-fondateur de Bureau GDA
Bureau GDA accompagne depuis de nombreuses années les entreprises et donneurs d'ordre concernés par les terrains amiantifères que cela soit par la réalisation de repérages avant travaux A0, A1 et A2 selon la norme NF P94-001 ou dans l'établissement de leur stratégie d'intégration de ce risque dans leur politique de prévention des risques.