Une directive italienne sur l'amiante environnemental
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Tags: Analyses Géologie de l'Amiante Santé Prévention Sécurité Repérage Amiante Réglementation Europe
De l’amiante en Italie ?
L’Italie est, comme la France, concernée par la présence d’amiante environnemental sur son territoire, en particulier sur l’arc alpin et dans des contextes ophiolitiques (les “Pietre verdi”) mais pas seulement.
Le pays, au travers de ses agences régionales et provinciales de santé, a développé une grande expérience de la gestion de chantiers (souvent importants et souterrains) impliquant la présence d’amiante environnemental.
La directive LG SPNA 44 2023 publiée en mai 2023 est un recueil de lignes directrices, à partir des meilleures pratiques nationales et internationales.
Ces indications techniques sont très pratiques et pragmatiques, et visent à améliorer l’atténuation des risques d’exposition des travailleurs et des riverains lors de ces travaux, depuis les études (repérages) jusqu’au stockage final des déblais, en passant par les phases de travaux et les méthodes analytiques employées.
Une réglementation particulière
L’introduction de la directive est l’occasion d’un état des lieux de la réglementation italienne, nationale et provinciale, sur le sujet de l’amiante environnemental. Ainsi des Plans Régionaux Amiante ont été lancés (avec cartographie géologique de l’aléa à partir de 2003 et établissement de réglementations spécifiques) et certaines provinces semblent très avancées.
D’un point de vue plus général, le seuil d’exposition professionnel est fixé à 100 f/l sur 8h (soit 10 x plus qu’en France) et il existe un seuil de contamination pour les sols établi par un décret de 2006 (qui s’applique à l’amiante naturellement présent) de 1 g/kg.
A ce seuil, s’ajoute une notion de teneur du fonds naturel local, qui peut être plus élevée que le seuil de contamination mais demande alors à être justifiée par une étude géologique adaptée (évaluation des minéraux présents et utilisation de valeurs de références par lithotypes). Les terres excavées présentant moins d’amiante que cette valeur de fonds (mais plus que le seuil) pourront alors être acceptés en stockage sur le site sans être considérées comme des déchets amiantés.
Un notion pragmatique de taille de chantier est introduite afin de moduler les attentes réglementaires en fonction de l’ampleur des chantiers, le principe de ‘micro-chantier’ est introduit sans être clairement borné, tandis que la distinction entre petits et grands chantiers est chiffrée (< ou > 6 000 m3).
Une première évaluation sommaire du niveau d’aléa (faible, moyen et haut) est donnée par l’interprétation des cartes géologiques (programme national au 1 : 50 000 en cours). On retrouve ici un principe proche des A0 de la norme française NF P94-001.
Cette première évaluation, en fonction des travaux envisagés, déclenchera des études de risque détaillées dès la phase préliminaire avec la réalisation notamment d’un modèle géologique à une échelle adaptée au chantier. L’objectif est de pouvoir, à ce stade du projet, éventuellement adapter le tracé, en particulier pour des travaux à linéaire important (tunnels, voies ferrées, routes…). La logique, ici encore, n’est pas fondamentalement différente de la méthodologie de la norme de repérage française.
Toutefois, il apparaît dans ce document que la préoccupation sur l’amiante naturel est fortement portée, en Italie, par la notion de protection du cadre de vie (environnement, riverains…). Par comparaison, la réglementation française est plutôt poussée par le principe de protection des travailleurs, dans la suite logique des actions visant à réduire les expositions à de l’amiante ajouté dans le secteur du bâtiment initialement.
Des retours d’expérience selon les méthodes d’excavation
La directive propose l’étude de nombreuses situations de travail, que cela soit en souterrain ou à ciel ouvert, avec différentes méthodes d’excavation. Les points critiques à surveiller sont inventoriés selon les types de travaux, y compris les opérations de maintenance, avec des préconisations de mesures de protection collectives très détaillées et pratiques.
A titre d’exemple, en souterrain, on retrouve des détails sur le suivi de front à faire à l’avancement, sur les méthodes de sondages, sur le traitement des boues (forage, lavage, brumisation etc).
Sujet parfois éludé mais important, la directive aborde également l’importance de la communication avec les populations environnantes que cela soit en situation normale ou en situation de crise.
Un focus sur la géologie de l’amiante …
En annexe, la directive donne un éclairage sur l’amiante réglementaire d’un point de vue minéralogique ainsi que sur les contextes géologiques favorables à son apparition en Italie, notamment la mise en place des complexes ophiolitiques.
Des informations sont apportées sur les méthodes d’analyses qualitatives et quantitatives. Les observations au MOLP (Microscope Optique à Lumière Polarisée) sont combinées avec des observations au MEB (Microscope Electronique à Balayage) selon une directive générale adaptée par chaque laboratoire pour la matrice ‘roche’, à la différence de la France qui a un recours important aux observations au MET (Microscope Electronique à Transmission), voir notre article au sujet des méthodes analytiques.
… et sur les fibres minérales “non réglementées”
Une seconde annexe s’intéresse aux autres fibres minérales asbestiformes mais non réglementées au titre de l’amiante, ce qui recoupe en grande partie les minéraux appelés PMAi (Particules Minérales Allongés d’intérêt) par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) en France.
Il s’agit de minéraux qui présentent des caractéristiques dimensionnelles et chimiques comparables à l’amiante réglementaire, dont certains sont cancérigènes avérés, mais pour lesquels il n’existe pas de réglementation, bien que leur dangerosité semble probable et comparable à celle des variétés “amiante”.
Plusieurs exemples sont détaillés comme la Fluoro-édénite en Italie (voir encadré), l’Erionite en Turquie, la Winchite aux USA…
Le cas de la Fluoro-édénite de Biancavilla (Sicile)
Suite à un signal épidémiologique (nombre de mésothéliome anormalement élevé) détecté au milieu des années 90, une investigation géologique a permis de mettre en évidence au milieu des années 2000 une exposition 'environnementale' par des fibres d'une amphibole calcique, non classée dans l'amiante réglementaire, la fluoro-édénite.
Cette exposition est multiple : extraction de matériaux dans 2 carrières, utilisation de ces matériaux, pistes...
Le gouvernement italien va alors lancer à partir des années 2000 un plan ambitieux de protection des populations et de remédiation des sites contribuant à la dispersion de fibres respirables incluant la fermeture des carrières, le revêtement des pistes, la couverture d'affleurements... Le tout étant suivi par des campagnes de mesures des fibres dans l'air.
Le caractère cancérigène de la fluoro-édénite est démontré définitivement en 2017 (Centre International de Recherche sur le Cancer).
Toutes les illustrations sont issues de cette directive, le texte complet et une très belle annexe photographique sont disponibles sur le site du SNPA Italie.
Bureau GDA accompagne depuis de nombreuses années les collectivités et entreprises dans leur approche du risque Amiante Environnemental que cela soit par la réalisation de repérages avant travaux A0, A1 et A2 selon la norme NF P94-001 ou dans l'établissement de leur stratégie d'intégration de ce risque dans leur politique de prévention des risques.